Apprendre la musique en ligne, enseigner la pratique et la musicalité, nouveaux défis
En constante évolution, la pratique et l’enseignement de la musique se digitalise de plus en plus. Apprendre la musique sur une application en direct sur tablettes ou smartphones est devenu monnaie courante. L’ère du numérique bouleverse les repères : il est désormais courant de recevoir un enseignement “à distance”. Grâce à des systèmes plus rapides et plus ludiques, les élèves sont incités à “s’engager” de plus en plus à s’entraîner seul. Nouvelles possibilités, développement de compétences inédites, importance de s’approprier les outils : zoom sur les enjeux induits des évolutions digitales en musique !
De nouveaux outils pour “faciliter” l’apprentissage de la musique
Une nouvelle méthodologie digitale
Au collège comme au conservatoire, les codes d’apprentissage se placent aujourd’hui de plus en plus du côté de la pratique. S’il y a quinze ans, les collégiens apprenaient en grande partie de la théorie musicale et des paroles de chanson par cœur, aujourd’hui, ils ont en mains des logiciels leur permettant d’enregistrer du contenu qu’ils produisent et enregistrent par eux-mêmes. De nos jours, les collégiens utilisent des applications issues de leurs smartphones ou des tablettes fournies par l’établissement pour composer et s’enregistrer facilement. L’application GarageBand, développée sur le système Apple iOS, permet ce type de pratique.
Selon le professeur de pratique musicale Maxime Proix, le premier avantage des outils numériques, c’est de garder une trace enregistrée du travail de l’élève. “Plus l’élève créé, mieux c’est, car cela lui permet vraiment d’innover et d’avoir des idées.” Au-delà d’être utile pour la mémoire et le travail, cela est un vrai plaisir pour les élèves qui accomplissent de la musique par eux-mêmes : “Ils ne font pas que toucher un bouton, ils essaient, ils jouent et ils trouvent ça cool”.
L’interactivité en faveur de l’apprentissage
Les élèves s’emparent des outils et deviennent créateurs
Les outils numériques facilitent l’apprentissage, car les élèves sont engagés à créer, modifier et composer depuis leur application. Cela simplifie la personnalisation des évaluations et participe à rendre les cours plus efficaces.
L'élève peut aussi s'enregistrer et partager ses performances avec son professeur pour obtenir des retours, même à distance. Très positif en termes de pédagogie, l’accès aux outils incite les élèves à être demandeurs : “Le fait qu’il y ait des boites à rythmes sur GarageBand pousse les élèves à s’engager par passion à produire leur propre musique. Par exemple, certains élèves qui sont fans de rap ont découvert qu’ils pouvaient accompagner leurs textes d’une boucle musicale qu’ils créent eux-mêmes sur l’application”. explique Maxime Proix.
La classe inversée : un gain de temps et d’efficacité
D’autres données ont bouleversé le système d’apprentissage de la musique : l’entraînement et l’évaluation se développent de plus en plus facilement à la maison. Grâce aux applications d’annotations, de mises à jour de partitions et d’enregistrement, apprendre à distance est devenu plus ludique et plus accessible.
Par exemple, l’application pour tablette Newzik est un très bon outil à la fois pour les élèves et pour les professeurs. “Les fonctionnalités de partage et de collaboration en direct sont très utilisées : le professeur peut notamment annoter les partitions et ses élèves vont voir les annotations apparaître instantanément.” explique Amandine Richardot, CEO de Newzik.
Les élèves peuvent travailler en ligne tranquillement chez eux de semaines en semaines, ce qui permet d’avancer plus rapidement dans les exercices. “Aujourd’hui, une fois que les élèves ont pris les applications en main et suivent les consignes, 90 % d’entre eux ont fini leur travail à la maison d’une semaine à l’autre.” précise Nicolas Olivier, professeur de musique et utilisateur de l’application Newzik.
Les limites : inégalités numériques et adaptation de l’apprentissage
Si les nouvelles technologies sont très appréciées par les professeurs de musique, celles-ci restent coûteuses et ne sont pas automatiquement accessibles dans toutes les classes. Lorsqu’ils ne disposent pas de tablettes, les enseignants trouvent des solutions pour s’adapter. Les élèves utilisent alors leurs propres smartphones qu’ils partagent avec d’autres élèves. Certaines technologies n’étant pas adaptées sur tous les systèmes d’exploitation (ndlr : Garage Band est gratuit, mais uniquement disponible sur système iOS), il faut parfois se contenter de travailler avec le matériel personnel des élèves qui disposent d’un iPhone dans la classe.
Au-delà du matériel, l’utilisation massive des innovations numériques dans la musique peut aussi influencer le développement du savoir. Annoter, modifier et composer se retrouvent simplifiés par les applications. “La limite, c’est que la facilité induite par les outils ne mâche trop le travail des élèves et des musiciens en général. Si l’application fait tout, que fait le musicien finalement ?” questionne Maxime Proix.
Vers une nouvelle ère de l’apprentissage par la création ?
Des innovations imaginées pour développer sa créativité
Si les unités d’apprentissage de la musique persistent d’ici moins de 10 ans dans le système scolaire, celles-ci ne seront plus du tout enseignées de la même façon qu’aujourd’hui. “Je pense que l’apprentissage ne passera plus que par la création dans le cadre d’ateliers. Il y aura très peu d’écoute ou seulement pour s’inspirer dans son propre travail.” projette Maxime Proix.
Les applications telles que Tomplay, Como-Vox ou Newzik sont de vrais compagnons d'apprentissage pour les musiciens car cela permet d'apprendre plus rapidement les morceaux. “L'intelligence artificielle Livescores, développée par Newzik, permet de générer un rendu audio à partir d'une partition PDF. En écoutant sa partition, le musicien peut aller plus vite dans son apprentissage : il sait directement ce qu'il doit jouer. Ce rendu audio peut également servir de playback.” évoque Amandine Richardot. Le musicien peut alors choisir de ne pas jouer certaines pistes pour s'entraîner par-dessus. Il y a bien sûr des limites à tout ça : l'application ne donne pas de feedback. Elle ne peut donc pas remplacer un professeur, elle est complémentaire.
💡 Avec le boum des outils d’intelligences artificielles, de nombreuses nouvelles plateformes offrent un panel de possibilités immense pour l’accompagnement à la création musicale. Certains outils tels que MusicLM (développé par Google), Boomy ou Beatovean génèrent des voix et des compositions libres de droits.
Apprendre à “trier” les outils : un défi pour l’avenir de l’apprentissage musical
Édition de musique, réécriture et transposition de partitions, outil collaboratif… Les applications musicales et logiciels se multiplient sur le marché. Le défi est alors d’apprendre à les trier et à tirer son épingle du jeu, car certaines ne correspondent pas tant que ça à de vrais besoins. L'enjeu majeur est aujourd’hui de bien s'adapter aux besoins des musiciens et ne pas créer des “outils gadget”.
Enseignant en éducation musicale au collège Paul Eluard de Verzy et directeur d’Harmonie de la corporation de Tonneliers d’Epernay, Benoît Sanfilippo nous évoque notamment son utilisation du logiciel éditeur Finale pour réécrire et arranger des chants et de la plateforme Vocalremover qui permet d’enlever la voix d’un chanteur pour ne garder que l’accompagnement instrumental.
L’application simple et intuitive GarageBand sur iPad fait l’unanimité auprès des enseignants, car elle permet de faire pratiquer les élèves dans le cadre de petites créations sonores (bandes sons, accompagnements des chants travaillés en classe…). La technologie du Airdrop d’Apple permet de faire travailler les élèves en collaboration. Les élèves travaillent également sur l’enregistrement de leur voix, la gestion des panoramiques, etc.
“L'autre grand défi, c'est l'équipement hardware : si les musiciens ne sont pas équipés des bons devices (comme un iPad), ils vont potentiellement préférer rester avec leur bonne vieille partition papier. Il faut vraiment leur montrer tout le gain significatif en termes d'expérience pour leur pratique musicale.” souligne Amandine Richardot.
Les dés sont jetés : l’apprentissage musical est simplifié et propice à la création autonome, mais, comme c’est le cas dans toute pratique actuelle, les nouvelles pratiques sont soumises à des règles d’adaptation à l’outil numérique.
Dans l'ordre d'apparition dans cet extrait, Talia Loderick, Syphaïwong Bay et Joyann Boyce discutent de l'investissement et du travail sur le long terme pour atteindre ses objectifs d'entrepreneures.